Laurence Boone est secrétaire d’État chargée de l’Europe dans le gouvernement d’Élisabeth Borne. Elle est également membre du cercle des économistes. Nous avons eu l’occasion de l’interviewer lors de l’édition 2023 des Rencontres Économiques d’Aix, où elle intervenait dans la conférence «Où sont les femmes».
EP : On entend souvent l’expression de « plafond de verre» pour qualifier les difficultés d’accès des femmes aux postes à haute responsabilité. Avez-vous ressenti cela au cours de votre carrière ?
LB : En fait , pas vraiment jusqu’à récemment. D’abord je suis issue d’une famille de filles avec une mère qui travaillait donc c’était normal de travailler. Très vite j’ai intégré qu’en France , il fallait faire des maths pour réussir donc je prenais les filières composées de mathématiques. Aussi, souvent dans les milieux internationaux quand on commence notre carrière on est très aidé lorsqu’on est une femme, il y a beaucoup de politiques en faveur des femmes, donc non. Ce qui est difficile est deux choses : avoir confiance en sa capacité à arriver à faire les choses, ainsi que ne pas culpabiliser ou être culpabilisé de faire des enfants, c’est très important. Il faut penser que le père des enfants est complètement capable d’en prendre soin comme vous.
EP : À votre niveau pensez-vous pouvoir aider la cause des femmes sur le marché du travail ?
LB : Oui, absolument d’abord en faisant des conférences comme [celle des rencontres économiques d’Aix] et en partageant, en expliquant que c’est possible de le faire. C’est la première chose car j’ai vu d’autres femmes avant moi qui étaient comme ça. Ensuite, quand je travaille avec mes collègues, je fais en sorte d’avoir toujours des femmes autour de moi et de les aider. Et puis je crois que parler aux étudiants, aux écoliers, à ses amies, leur dire que c’est possible dès que l’on peut, c’est super important.
EP : Vous êtes secrétaire d’État chargée de l’Europe. L’on assiste à une montée de l’extrême droite dans plusieurs pays européens tels que la Finlande, la Suède ou encore l’Italie, est-ce que cela vous inquiète dans la perspective des élections européennes de mai 2024.
LB : Bien sûr que cela m’inquiète. Il y a deux raisons pour lesquelles je fais de la politique, c’est d’abord car l’Europe est très importante pour moi. C’est une chance pour des millions de personnes et de jeunes maintenant qu’Erasmus est à tous les niveaux : universités , apprentis entrepreneurs… Cela aide plein de personnes à s’ouvrir aux autres, à être tolérant mais aussi à bénéficier des chances professionnelles que l’on n’a pas forcément chez soi. Donc la première raison [de mon engagement en politique] est pour l’Europe, la seconde est que je ne veux pas voir mon pays tomber aux mains du Rassemblement National.
EP : À l’échelle européenne, pensez-vous avoir les armes pour lutter contre cette « vague électorale» qui pourrait toucher l’Europe ?
LB : Il faut toujours penser que l’on peut faire quelque chose, évidemment d’abord il n’y a pas de fatalité.
EP : Mais de quelle façon ?
LB : En parlant de l’Europe de façon plus positive, moins technocratique et surtout davantage dans le quotidien des personnes. Erasmus est la première chose. Tous les gens qui ont besoin de rénover leur maison pour l’isoler contre le froid ou de payer des factures d’électricité moins chères, bénéficient du dispositif MaPrimeRénov’ qui est financé à hauteur d’un tiers par l’Europe. On ne le dit pas assez. Au niveau du changement climatique, c’est parce qu’on est entre européens que l’on va pouvoir faire des choses en avance sur d’autres pays, sinon toutes les entreprises diraient qu’on va tuer leur compétitivité. Concernant les pistes cyclables, il y a maintenant des dizaines de kilomètres à travers l’Europe. Mais on n’a pas assez, et je m’inclus dedans, parlé de ce que veut dire l’Europe dans notre quotidien. [Avec les rencontres économiques] pleins d’européens viennent partager leurs expériences. Même pour la gestion des quartiers « à problèmes», il y a plein d’européens dont on peut s’inspirer aussi.
EP : La perspective de l’élection présidentielle de 2027 vous inquiète-t-elle, ou vous l’abordez sereinement ?
LB : Je pense qu’en politique, il faut toujours se battre pour promouvoir ses idées. Donc je vais continuer de promouvoir les miennes jusqu’en 2027 ainsi que celles du gouvernement.