Antoine Jochyms a cofondé avec Jasser Jebabli l’association Open Politics qui propose une formation gratuite et apartisane à l’engagement politique. Cette dernière a pour but de doter les citoyennes et les citoyens des codes, des outils et du réseau nécessaires pour qu’ils embrassent le monde politique. Nous avons eu l’occasion de l’interviewer lors des Rencontres Économiques d’Aix, où il participait à une session spéciale portée sur la jeunesse.
EP : Comment est-ce que vous vous y prenez pour reconnecter les gens avec le monde du politique ?
AJ : L’objectif, c’est de reconnecter l’ensemble des citoyens et des citoyennes, pas seulement la jeunesse, avec les et la politique. On a donc créé une école de formation en engagement politique qui a pour but de doter les citoyens et les citoyennes des codes des outils et du réseau. On constate trois crises : la crise de confiance en la et les politiques, la crise de représentation politique (90 % des citoyens qui ne se sentent pas ou ne se sentent pas représentés en politique), et la crise de vocation. On a aussi de plus en plus d’élus qui quittent leur fonction lors du mandat donc il faut gérer ces trois crises.
Open Politics fonctionne sous forme de promotion, où pendant 2 mois, on forme une trentaine de citoyens à la prise de parole en public à la stratégie de campagne, à la communication politique ou sciences politiques avec des ministres, des stratèges , des élus des communicants et des professeurs d’université. Depuis 2 ans, on a formé plus de 200 personnes avec comme objectif de faire émerger une nouvelle Génération de leaders politiques qui serait capable de faire susciter l’espoir, parce qu’on en a besoin et que c’est le thème des rencontres économiques d’Aix cette année. On cherche aussi à revitaliser la démocratie représentative. Ce qui m’interpelle le plus ce sont les chiffres de l’abstention des jeunes, avec 75 % des 18-34 ans qui n’ont pas voté au second tour des dernières élections législatives. Et donc la création de ce nouvel espoir passe par un renouveau de la classe politique.
EP : Au cours de la conférence auquel vous avez participé, vous avez proposé de mettre des quotas de jeunes à des positions éligibles, comme sur les listes des élections municipales. Est-ce qu’il n’y aurait pas un risque qu’il y ait des jeunes pas assez formés, ou d’une certaine classe sociale parce qu’ils ont les moyens d’être formés, à des positions éligibles ?
AJ : En fait, je me demande pourquoi on se pose la question pour les jeunes et pas pour les autres Moi, je trouve que les jeunes sont extrêmement engagés et compétents, et on donne toute la légitimité pour s’engager en politique. De fait, la non-compétence des jeunes, je n’y crois pas, et je pense que dans tous les cas même s’ils n’ont pas toutes les compétences, ils pourront les acquérir lors de leur mandat. Beaucoup d’élus fonctionnent comme ça, et on est tous élu une première fois. Ensuite, la représentativité des jeunes est un enjeu pour l’ensemble de la classe politique. Aujourd’hui à l’Assemblée nationale, on a très peu d’employés, on a peu d’ouvriers, ce qui en fait un enjeu global. Ça ne touche pas que les jeunes, mais je pense qu’avoir davantage de jeunes en politique serait une première étape. Après, on pourra se demander si ces jeunes sont tous représentatifs, et c’est ce pourquoi on milite avec les 150 jeunes de la délégation jeunesse.
EP : On en parle depuis peu d’un remaniement des ministres qui proviennent de la société civile en raison justement de leurs profils qui ne sont pas assez politiques, que vous inspire ce constat ?
AJ : C’est une question que je me pose très souvent, et je me demande aussi si la société civile peut vraiment réussir en politique, notamment le gouvernement. Je pense , et on l’a vu très souvent, qu’il y a des gens qui deviennent élus locaux et qui viennent de la société civile, et ça se passe très bien (maires, conseillers municipaux, adjoints au maire, et même des députés). Là encore une fois, je pense qu’il y a besoin d’une montée en compétences. Le sociologue Étienne Ollion avait documenté l’entrée des néo-députés à l’Assemblée Nationale en 2017, et effectivement, on voit une différence entre les gens issus de la société civile et les autres. Peut-être qu’ils ont des compétences à acquérir, mais je pense qu’ils apportent aussi d’autres choses qui sont aussi très importantes. Il y a un équilibre qui se fait ainsi et je pense qu’ils vont monter en compétences assez rapidement, et on le voit aujourd’hui avec les élus macronistes. Pour ce qui est du gouvernement, c’est autre chose, passer directement de la société civile au gouvernement, je trouve que ça a été quand même très compliqué pour tous ceux qu’ils ont fait, je m’interroge sur les raisons et c’est quelque chose que l’on va explorer avec Open Politics, pourquoi ça fonctionne et ça ne fonctionne pas. Je n’ai pas la réponse aujourd’hui, mais ma conviction pour le moment, c’est qu’il faudra peut-être des sas de décompression (société civile – élu local – et peut être monter à l’échelle nationale). Je pense que ça dépend aussi beaucoup de la technicité du portefeuille comme celui du budget.